Alsace : une traque inédite des nids de frelons asiatiques
Depuis deux ans, l’Alsace fait partie des régions françaises les plus touchées par l’expansion fulgurante du frelon asiatique. Cette espèce invasive, redoutable prédatrice d’abeilles, entraîne des pertes considérables chez les apiculteurs et représente aussi un risque pour la population. Face à l’explosion du nombre de nids dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, apiculteurs, entomologistes et bénévoles ont décidé de passer à une stratégie plus ingénieuse, plus scientifique et surtout plus efficace : la traque technologique des nids de frelons asiatiques.
Pourquoi l’Alsace est devenue un point chaud du frelon asiatique
Longtemps épargnée, l’Alsace a vu les premiers nids apparaître réellement autour de 2020. Depuis, la situation s’aggrave : là où l’on comptait une vingtaine de nids détectés en 2023, les apiculteurs estiment que plus de 400 nids seront repérés en 2025 si rien ne change. La région, caractérisée par ses vallées, ses zones forestières denses et ses nombreux cours d’eau, offre un environnement idéal pour la reproduction de la reine fondatrice au printemps.
Pour les apiculteurs du Sundgau, de la région de Colmar ou encore de la plaine d’Alsace, le frelon asiatique n’est plus une simple nuisance : c’est une menace directe pour la survie des ruchers locaux.
La méthode traditionnelle ne suffit plus
Avant, repérer un nid de frelons asiatiques reposait sur l’observation : suivre un frelon en vol, repérer un va-et-vient, scruter les arbres à longue distance. Mais cette technique est lente, épuisante et souvent inefficace.
Le problème majeur : un nid peut se trouver jusqu’à 1,5 km du point de chasse, ce qui complique fortement la localisation. Résultat : des dizaines de nids passent inaperçus jusqu’à l’automne, période où ils comptent plusieurs milliers d’individus et libèrent leurs futures reines.
Une nouvelle traque ingénieuse fondée sur la technologie
Pour inverser la tendance, les apiculteurs alsaciens ont adopté trois techniques innovantes inspirées de la recherche scientifique. Leur objectif : localiser un nid le plus tôt possible, avant qu’il ne devienne énorme.
1. La jumelle thermique : repérer les nids par la chaleur
Les nids actifs dégagent une chaleur interne importante, produite par l’activité collective des frelons. Grâce à une jumelle thermographique, les apiculteurs peuvent désormais repérer un nid en hauteur, même à plusieurs centaines de mètres.
Cette technologie, utilisée initialement dans la surveillance de la faune, permet d’identifier des zones anormalement chaudes dans les arbres en fin de journée. Une fois une anomalie détectée, une inspection plus précise est menée.
2. La technique du marquage coloré
C’est l’une des méthodes les plus ingénieuses : le frelon est capturé à l’aide d’un appât, puis marqué avec un simple repère de peinture avant d’être relâché.
En chronométrant son retour et en répétant l’opération à trois points différents, les apiculteurs peuvent trianguler la position du nid avec une précision étonnante. Une méthode inspirée directement des études de déplacement des insectes pollinisateurs.
3. Le mini-émetteur fixé sur le frelon
La méthode la plus spectaculaire reste celle du micro émetteur. Après avoir anesthésié le frelon à l’aide de CO₂, un dispositif miniature est collé sur son thorax. Le frelon, une fois réveillé, retourne naturellement au nid. Une antenne directionnelle permet alors de suivre son signal jusqu’à l’arbre ou au bâtiment où se trouve la colonie.
Bien que coûteuse et techniquement exigeante, cette approche a déjà porté ses fruits : certains nids particulièrement difficiles à repérer ont enfin été localisés grâce à cette technologie.
Des résultats très encourageants sur le terrain
Selon plusieurs apiculteurs du Haut-Rhin, ces techniques ont permis de localiser des nids qui seraient autrement passés inaperçus. La traque technologique a conduit à une hausse significative du taux d’élimination précoce, ce qui ralentit la prolifération de l’espèce.
L’un des apiculteurs les plus actifs, Mathieu Diffort, explique : « Chercher les nids, ça fait partie de mon travail. Mais aujourd’hui, sans ces outils, ce serait mission quasi impossible. »
Son collègue Philippe Sieffert, spécialisé dans l’intervention sur les nids, confirme que ces nouvelles méthodes ont transformé leur efficacité sur le terrain.
Un enjeu crucial pour les abeilles et pour l’écosystème alsacien
Le frelon asiatique est particulièrement redouté en Alsace car il s'attaque massivement aux abeilles domestiques et sauvages. Chaque nid peut détruire plusieurs dizaines de milliers d’abeilles au cours d’une saison.
Avec l’effondrement des colonies d’abeilles déjà en cours, l’impact écologique serait dramatique si les nids restaient invisibles. La localisation précoce est donc devenue un enjeu environnemental majeur.
Ces techniques seront-elles déployées dans toute la France ?
Face au succès de la méthode en Alsace, plusieurs départements voisins – la Franche-Comté, la Lorraine et même l’Île-de-France – s’intéressent désormais à ces outils.
La combinaison jumelle thermique + marquage + émetteur pourrait bien devenir la stratégie nationale dans les prochaines années si les financements suivent.
Comment participer à la lutte si vous trouvez un nid ?
Chaque citoyen peut contribuer. Si vous repérez un nid ou observez un va-et-vient anormal de frelons, la démarche la plus simple est de faire un signalement via notre plateforme.
➡️ Signaler un nid de frelon asiatique
Votre signalement peut permettre une intervention rapide et éviter la propagation d’un nouveau nid dans votre secteur.
Conclusion : une course contre la montre
En Alsace, les apiculteurs ont décidé de ne plus subir l’invasion. Armés de technologies modernes et de méthodes ingénieuses, ils mènent une véritable chasse scientifique pour sauver leurs ruchers et protéger la biodiversité. Cette stratégie innovante pourrait bientôt devenir un modèle pour toute la France.